entre l’oeuf et la neige

Une critique du Réflecteur de la neige de Manon Thiery (2020)
en forme de poème

Manon Thiery, (auto-)portrait extrait de la série « About my family »
https://www.manonthiery.com/

j’aurais voulu te le dire autrement
faire autre chose
mais c’est arrivé

ou plutôt
ça n’arrivera jamais

dehors il neige et « les pas dans la neige
tracent un hiver de toi à moi »

ça aurait pu
si tu avais compris qu’il fallait rester

dedans il y a « un œuf à peine cuit »

il ne parle pas il ne me regarde pas
mais lui au moins
il ne part pas

entre l’œuf et la neige
« la possibilité de la perte »

et autour « partout
la tétanie du silence »

alors je cherche les mots
je les arrache à la main qui les tient si fort

ils mentent ceux qui pensent qu’il y aurait
quelque chose à voir

« de l’autre côté du miroir »

il y a quelque chose c’est vrai
mais il « ne montre rien »

l’eau s’écoule et à la fin
elle n’est plus qu’un bruit
qui rappelle le gris du départ

qui rappelle peut-être toi

dans ce miroir qui ne montre rien
ni devant ni derrière
que la main qui le tient

tout est dans la maison
il n’y a pas vraiment de dehors

la neige tombe et elle montre la table

on s’y fait comme les pierres entre elles

parfois je fais « des petits pas d’animal » dans la neige
les pas d’un « têtard » qu’on a jeté « dans l’herbe »

les traces que font ces pas
je les reprends à la main

j’en fais « une écriture immobile »

j’en fais ce avec quoi je t’appelle

je dépouille ton absence de ses robes d’oignon
je t’épluche et j’appelle

il faudrait sortir
« ailleurs que dans ma langue »

c’est vrai

il faudrait sortir pour te trouver intact ou troué

mais je n’ai que des mains

pas de pieds
pas de rêves
« pas de père »

je n’ai qu’un « œuf à peine cuit »

je ne sais pas quoi en faire

il coule
et j’en ai plein les mains