l’eau qui est herbe et étoile

Une critique de Herbe à la lune de Valentine Penrose (1935)
en forme de poème

“Un dimanche à Mytilène”, collage de Valentine Penrose issu du recueil « Dons des féminines » (1951)


*
*

C’est comme si elle me parlait

L’eau

Comme si elle me disait de le dire
ce qu’elle fait

L’eau

C’est comme si elle disait
écoute
l’eau

C’est comme
c’est comme ça comme ça qu’elle a dit
“commence ton livre comme ça”

« Veines nous descendant comme des mappemondes
***********donc nous vouerons à l’eau
***********tout le bleu de nos corps
**********************s’il pleut
»

Et j’ai commencé ainsi

Et elle a dit
“finis ainsi”

« tout est dit »

Et j’ai fini comme ça
car c’est vrai
tout était dit

J’avais tout dit

Tout dit d’elle des étoiles
des plantes du feu et
« les tiroirs des tiroirs les miroirs des miroirs »

Tout dit de « l’herbe à la lune la plante souveraine »
celle « qui me ressemble »
car « la reine au moins a deux bras
pour se défendre du roi
» –
mais l’herbe de lune
qu’a-t-elle –
« pollen du pole noir » –
que « son miel de graines » ?

Tout dit tout dit
comme tout est eau
que mes pieds sont des larmes

Mais l’eau me l’a dit
« bientôt je me tiendrai entre feu et une eau
avec la santé totale de l’or
»

Ça me plairait beaucoup
l’or c’est comme les étoiles
et j’aime les étoiles

Voudrais-tu t’allonger un soir
avec moi regarder les étoiles que je
mettrais en toi ?

Quand je regarde le ciel le soir
je vois que
« mes parentes parts d’étoiles tombent du ciel
*************reprenant ma naissance
»

Elles tombent dans l’eau et font un bruit d’étoile
quand elles touchent le rivage
puis elles montent à nouveau
emportant avec elles tous les secrets de l’eau

À force de les voir monter et descendre
« sur la terre qui est brune
moi aussi j’ai trouvé ma place

**********Aux sphères entières
mouvant les tourments
par mes pas dorés je monte et descends
»
comme elles
je monte et descends

Parfois « triste je suis là », triste
« du sort des étoiles »

Comment faire quand la vie
n’est qu’une incessante
montée et descente ?

Je me regarde
dans mille miroirs
et je comprends qu’il y a moi
dont la vie est semblable

L’eau

Ne pas oublier

Bientôt le soir monte

Je peux sentir d’ici « les nouvelles vapeurs d’étoiles »

Elles n’ont qu’un mot à la bouche
c’est le même que moi

Vient le soir
plus près maintenant
et bientôt le matin

La pluie « a pris le large »
« les astres ont pris le large »
et je m’inquiète en forme de prière

« Laissez voler ces plumes
ces mois et ces parcelles
que les mille rayures abandonnent la cime
et qu’un diamant repose
seul comme une eau sans cause
entre l’aube et le soir
»

Rien qu’une petite journée

L’eau

L’eau est debout
l’eau « se chante »
l’eau est belle
l’eau m’a dit
«******** à l’écorce tu écoutes
******** la sève t’écoute
********
la goutte t’écoute et pleut »

L’eau de la sève

Même les arbres sont d’eau

“« Avec ton corps plein de signes magiques
de flammes bleues
» il te suffit d’écouter”
elle a dit

Le rêve est à portée c’est
la pluie qui l’amène
c’est « la rose d’or debout contre le mur » c’est
« les souffles changeant de voyelles »

Elle a dit
« De ce cœur inconscient à force de présages
de lumière debout
les feuilles en attente exigent ton miracl
e »

Elle a dit et c’est moi qui écris

« Sans pas sans bras tu danses
sans pas sans bras tu te remues
de tes antennes de tes mues
»

Grâce à elle
« ma main donne une étoile et une étoile l’autre
je parle aux étincelles
»
mais si peu aux humains

Ils ne comprennent pas

« Souviens-toi des épis des actes
de l’épanoui
souviens-toi
du grand cercle fleuri en présent étalages
des fleurs à ce jardin de neiges et de rouge
»

Je me suis souvenue
et j’ai su

« Ce n’est pas en vain »

« les yeux tout grands
pour le peu de prise
l’eau entre les doigts
»

« ce n’est pas en vain »
« une main sans tenir »

L’eau a dit « pas en vain »

Moi je noie et toi « tu remues tu brises »
moi je noie
je ne suis pas un ange

Elle m’a raconté je me suis souvenu

Elle m’a dit qu’un jour
elle avait cru partir

Elle a dit

« Plus je mourrais moins je tenais mes promesses
plus je mourrais plus il restait de pierres
les bras se fanaient
les tentures à la lune ne touchaient plus la terre
plus je mourrais plus la joie était lisse
»

J’ai dit “parce que tu as des bras ?”

Elle a dit “peu importe”
et elle a fait son bruit d’étoile
et j’ai vu ses pétales

Elle a dit « je mourais »
mais elle a compris après
« qui suit le courant qui fait le serment
après le mur éclate en étamines
est feu est terre fleur du ciel
»

Elle a dit car elle sait que je regarde
« entre l’aile et son ombre »

Elle sait parce que « l’étoile
et moi brûlons la même vie
»

Elle sait parce que l’eau ou l’étoile

Elle sait j’ai écrit

J’ai dit “je”
mais je parlais d’elle

L’eau
qui est herbe et étoile