je m’excuse

Paul Klee, Suffering Fruit (1933)

*

je m’excuse de ne pas pouvoir répondre aux tentatives de correspondances, aux sollicitations, aux commandes de poèmes, aux livres reçus qui attendent leur jour sur mes étagères et que je regarde honteuse et triste, dégoutée d’y préférer des e-mails insipides – et en vous souhaitant une très très bonne journée – je m’excuse de m’excuser, de dire que c’est ok, c’est pas ok car les feuilles tombent et j’ai à peine le temps de les regarder faire comme chaque année leur cinéma trop saisonnier – feuilles, êtes-vous comme toutes les autres, obligées de faire mine de mourir pour qu’on s’intéresse un peu à vous ? feuilles, êtes-vous comme moi et mon âme de cimetière que j’ai dû taire derrière des bien à vous ? je suis jalouse des feuilles, jalouse du ciel, jalouse de tout ce qui est autre, jalouse de tout ce qui se laisse tomber.

j’ai repensé à un poème collé avant que tout n’arrive (tout mais quoi ? comme toujours le pire : le rien) il disait avec ses mots à lui : « j’ai préparé pour ce nouveau départ / des vêtements chauds et d’éternels oui ça va et vous ? » oui ça va et vous et surtout excellente journée, c’était si bien prémédité.

c’est la banale confession d’un masque qui aimerait pouvoir tomber, tomber pour mieux pouvoir pleurer que le sol soit rude, que le sol soit pas gentil, oui la vie est dure quand on tombe mais quand on arrête de tomber on ne sait plus où on habite. c’est la confession du ciel qui regrette de ne pas pouvoir pousser, c’est juste le temps d’une seule année qui aimerait être journée, qui aimerait – car elle sait bien tout ce qu’il en serait – être la nuit, être hier ou avant-hier et encore celle d’avant peut-être.

je m’excuse de n’être pas que mes poèmes, d’être tous les mots qu’il y a autour et qui brassent plus d’air qu’il n’en faudrait pour 27 autres vies, je m’excuse de n’être pas que danse, que l’ivresse de tout l’été, qu’un rire, que la nudité, je m’excuse des vêtements chauds et des ça va et vous, je m’excuse et dans toutes ces excuses, j’aimerais me dire que sova est un peu là et que quelques poèmes, quelques lectures et quelques pleurs lui ont redonné chair, esprit, ciel et bien sûr nuit, j’aimerais mais comme toujours je m’excuse de m’excuser et l’empêche d’être une fois de plus.

je m’excuse, la prochaine fois sera la bonne peut-être.

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