neige petit-déjeuner, juste derrière la langue

parce que la mort est partout elle est ici nulle part. 

on en parle tout le temps pour n’en parler jamais. 

la parole vide l’essence de la chose. 

j’aimerais ne plus parler de notre amour de peur de l’épuiser par ma bouche. 

je te raconte un rêve et le vois se former dans l’espace autour. 

la parole forme et épuise : c’est un jeu dangereux. 

à l’écoute de ce rêve, je te vois faussement t’inquiéter. 

la prochaine fois c’est promis je te parlerai des milliards de grains du désert. ce sera comme si nous y étions déjà. 

*

je rencontre des gens qui font du parapente. 

ma première question : « c’est comment à l’intérieur d’un nuage ? ».

l’un dit : « ça dépend des fois. parfois sombre. parfois arc-en-ciel autour de notre ombre. ». 

silence.

puis murmure d’un « dingo » qui veut dire : je n’en espérais pas tant. 

*

tu te rendors sur les miettes de notre tentative de réveil. 

je fais semblant de travailler pendant que tourne dans ma tête cette idée : les caresses naissent à l’intérieur de la bouche, juste derrière la langue. 

dedans, c’est une lumière petit-déjeuner, dehors, une neige d’avril. 

les flocons, ce sommeil, l’odeur du café, tout répète : la douceur est un nom partagé, la douceur est un nom partagé. 

je te regarde dormir et j’écris en silence ce qui tombe dehors : je t’aime, je t’aime, je t’aime. 

*

aimer – soi, l’autre – est une lutte qui ressemble à une paix. 

derrière l’apparence d’une grâce il y a un combat permanent contre l’inertie – aimer est actif – et contre la violence – aimer est passif.

l’exprimer repose sur le même paradoxe. 

un je t’aime est une guerre qui ressemble à une paix.

*

j’ai envie d’écrire une chanson. 

ces notes n’arrangent pas mon incapacité à rester concentrée plus de dix minutes. 

je pars marcher. 

il n’y a que dans la forêt que j’arrive à écrire. 

*

retour de la forêt : j’ai écrit une chanson qui veut dire : il va falloir vite et encore déménager. 

ça fait chier, cette fois, je croyais à l’ici. 

*

aujourd’hui le fil était trempé et la neige autour. 

mais quand même : c’est avec le souffle qu’on avance et avec le regard que l’on tourne – m’a dit le fil aujourd’hui. 

*

tu as aimé le post où il était question d’une note où tu apparaissais.

(parenthèse : de toi en toi tout le monde s’y perd. qui est le tu cette fois ? ce tu le saura et l’autre bien sûr aussi – fin de la parenthèse). 

je n’en attendais pas tant. un like après tout, c’est beaucoup pour notre génération. 

j’en profite car ça veut dire que peut-être que tu liras ça : 

un soir d’insomnie je m’amusais avec l’écriture automatique comme on faisait avant.

j’avais repris le long message automatique je t’avais envoyé une fois. tu sais, celui qui disait mieux que moi ce que j’aurais pu te dire à ce moment-là. il disait par exemple : 

« il faut qu’on s’appelle comme si on était encore dans le présent ». 

encore dans le présent.

mais on y est plus. 

alors j’ai continué à jouer avec mon clavier. 

ça a fait : « tu me manques comme les chats et mon amour. je suis où ton corps n’es plus qu’un petit moment du temps – c’est-à-dire dans les bras des hannetons. ».

et :

« quand est-ce qu’on pourra te prendre le coeur qu’on se passe de temps en temps ? demain ou quand j’aurai fini mon jour de toi ? ». 

c’est joli n’est-ce pas ? j’ai un peu triché parfois. mais c’est joli je crois et c’est un peu vrai. 

*

tu dis : « je t’aimerais sauf si tu deviens folle » et je pense : « tu t’aimeras jusqu’à que je devienne folle ». 

la perspective de la folie ne m’effraie plus vraiment. 

je ne déréalise plus, je suis trop occupée. 

pour toi, je tacherai de rester quoi je suis : une folle à la folie contenue, à la folie maîtrisée, autrement dit : une folle à moitié. 

*

nouvelle et troisième sonorisation à propos de ma défaite du silence.

*

je feins une sieste. 

les oiseaux et la pluie sur le toit. le bordel partout. le corps douloureux mais fier. 

j’écoute l’avenir me dire : je te vois venir, je t’attends. 

la confiance dans les paumes et les paumes dans tes doigts. 

j’ai fui au pays des rivières car tu n’étais plus là pour regarder tomber avec moi la neige petit-déjeuner dans la lumière d’avril. 

comme là-bas, comme ici, comme partout, tout me parait toujours beau à crever. 

la nuit j’ai peur de te perdre de vue et dans mes journées j’avance une paume après l’autre. 

putain : la vie est une chose qui est belle à crever. 

retenez. apprenez. répétez.

belle à crever.

ça a commencé par un petit-déjeuner sous la neige, ça finit par un après-midi orageux, presque d’été. 

même ici, ou en fait, surtout ici, la douceur m’apparaît une fois de plus comme un nom partagé. 

la pluie couvre rapidement les oiseaux et je me dis : c’est comme avec toi l’avenir le passé. 

la vie se couvre elle-même et ainsi elle se fait. 

17h. 

je me regarde bientôt dormir et une fois encore j’écris en silence ce qui tombe dehors : je t’aime, je t’aime, je t’aime. 

ton visage finit par couvrir ce que j’écris et je dis à voix haute : merci à la pluie. 

*

il dit : heureusement que le silence de la neige ou le bruit de la pluie sont dans tes oreilles autant de plaisir que les oiseaux ou les grenouilles.

et ajoute : tu veux de l’eau ?

c’est un beau voyage. 

c’est un beau voyage en ta compagnie. 

tu dis sans le dire : merci à l’éclair. 

je comprends, je souris. 

c’est assez pour aujourd’hui. 

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